En matière de pizzas, Lyon n’a pas grand chose à prouver. Du moins le croyait-on, férocement englué dans nos belles habitudes faites de quelques adresses incontournables. Jusqu’à l’arrivée de la nouvelle adresse de Mauro Colagreco. Rien de moins que le chef du meilleur restaurant du Monde.
Toutes les histoires ont une fin. Les belles, les moins belles, celle que vous êtes en train de lire et toutes les autres que vous avez vécues ou qui restent à découvrir. Des plus beaux récits, de nos voyages et de nos expériences nous savons très vite quand le moment vécu est exceptionnel. Et nous avons peur de la conclusion, du point final de toute l’histoire. Au point de sentir parfois le vent de la nostalgie souffler sur nos émotions au beau milieu de l’aventure. Même quand l’on parle d’une « simple » pizza.
Souvenirs à la carte
Intrigante au premier abord lors de sa découverte sur la carte de Pecora Negra, cette pizza 3 fromages (mozzarella, comté 18 mois, fromage de chèvre frais) semblait intéressante mais pas non plus propice à vous envoyer le palais dans la stratosphère. Et pourtant. Même pas arrivé à la moitié du plat que l’étrange sensation se fait sentir. Et si tout cela prenait fin ? Et si cette merveille à la pâte fondante comme jamais ne devenait finalement qu’un simple souvenir ? Et ces saveurs intenses et crémeuses ? Sont-elles aussi destinées à disparaître dans les limbes de la mémoire ? On hésite, on sent le doute s’immiscer et on le laisse monter. Jusqu’à se dire qu’il vaut peut-être mieux tout abandonner afin d’éviter que le plaisir ne devienne douleur d’un moment devenu fantôme.
On se remet d’aplomb, on se ravise. Fourchette et couteau à la main on reprend , énergiquement, le voyage. Trop y penser ce serait tout laisser refroidir. Devenir terne et sans saveur. On veut poursuivre la belle histoire dont la fin arrivera de toute façon trop vite. C’est le jeu. C’est comme ça. C’est la vie. Et elle nous offre de belles choses la vie, comme cette pizza dont on aura d’ores et déjà compris qu’elle se classe comme la meilleure jamais dégustée à Lyon. Excusez du peu.
De l’aube au crépuscule
De l’autre côté de cet océan tumultueux, mais dont la traversée enthousiasme, on voyage au gré d’une Quatre Saisons en base tomate écrite à base de jambon blanc, champignons de Paris, coeurs d’artichauts, olives Tagliasche et basilic. Là aussi la force du récit transporte l’heureuse élue au royaume des saveurs fines et délicates. Là aussi, l’histoire avance à un rythme trop soutenu pour ne pas laisser quelques regrets. Pour ne pas laisser venir ce genre de saine amertume capable de vous faire vaciller en quelques secondes. Ces instants où avant même les dernières lignes on pense déjà à la meilleure manière de revivre un tel tour de magie.
Difficile, après tout cela, de prendre la suite. D’écrire un nouveau chapitre aussi intense et mémorable. Délicieux, le tiramisu servi des deux côtés n’y parviendra pas tout à fait. Un peu trop sucré sans doute. Moins équilibré que ce qui l’a précédé. Et malgré tout de haut niveau, servi dans sa jolie coupelle par un service irréprochable. Car Pecora Negra c’est aussi une aventure sans la moindre fausse note. Une mélodie jouée en classe majeure en dépit du monde présent un dimanche soir dans une salle vaste comme un petit univers réconfortant.
Au moment de quitter l’endroit, comme tout au long d’une belle soirée, l’idée de revenir bientôt ne fait absolument aucun doute. Pour se blottir à nouveau dans le plaisir d’un dîner aussi savoureux que plaisant sur le moment. Pour ressentir encore et encore ces moments que l’on souhaite à tout le monde. Pour se souvenir aussi qu’une simple pizza peut déclencher beaucoup de belles choses quand elle est maîtrisée à ce point.
Pecora Negra 89, rue Bossuet 69006 Lyon D'autres belles histoires gustatives sont à découvrir dans notre belle rubrique Food.