Aérienne, poétique et sensorielle, la 14e Biennale d’art contemporain invite à prendre un peu de hauteur à la Sucrière. Le bâtiment et ses fameux silos sont en effet l’un des temps forts de Mondes Flottants, une nouvelle édition hypnotique et sensorielle.
Se noyer dans une mer de soie. Se laisser envoûter par un concerto de gouttes d’eau. Ou prendre son envol, embarqué par un objet presque identifié. A la Sucrière, Mondes Flottants se joue de nos sens pour mieux nous faire voyager. D’étages en étages, de continent en continent, ou simplement au plus profond de soi-même, l’important n’est comme souvent pas la destination mais bien le trajet accompli. A l’image du voyage proposé par Mathieu Briand, divisé en trois oeuvres réparties sur les trois étages de la Sucrière. Parmi elles, un caisson sensoriel en forme d’oeuf, invitation à se couper du monde, un instant. Les sens en alerte, dérouté ou apaisé, nous voilà dans notre cocon, comme un adulte de retour dans le ventre de sa mère.
Un serein regard
Expérience à vivre, l’instant proposé par l’artiste français est loin d’être le seul moment marquant d’une visite qui tient plus de la balade, cheminement entre oeuvres qui vous interpellent ou non. Il y aura donc des coups de coeurs, des interrogations, des incompréhensions, mais aussi des oubliés, longés sans les apercevoir, frôlés sans même le savoir. Mais il faudrait toutefois être aveugle pour passer à côté de certaines beaux moments. L’hypnotique ballet offert par l’immense drap de soie tendu par Hans Haacke est de ceux-là. Océan de tissu, il attire l’oeil pour ne plus le lâcher, et l’emmène voguer à la surface de ses vaguelettes. Un moment de poésie pure dont on pourrait profiter indéfiniment.
A quelques pas de là, Doug Aitken fait lui aussi dans l’hypnose, sonore et visuelle. Pour ce faire, pas besoin de grand chose : une surface d’un liquide blanc laiteux, des gouttes d’eau tombant du plafond, et c’est parti pour le concerto. Un spectacle qui s’écoute avec les yeux, à l’image d’une autre installation emblématique de la Sucrière, celle de Susanna Fritscher et ses hélices hypnotiques. Face à ces objets tournant au plafond, d’abord, on s’interroge. Avant de se laisser happer par le mouvement. Et quand la vitesse monte, que l’ensemble se met à former un tout, un son, plus besoin de questions. Tout est là dans ce silo devenu lieu à part.
Mondes frôlants
Condensé d’expériences plaisantes ou déroutantes, Mondes flottants interpelle les sens et convoque également nos mondes intérieurs. On se prend à retenir son souffle face à la construction organique en mousse de savon d’un David Medalla, prête à céder sous son poids. Tombera ? Tombera pas ? Evidemment, la mousse s’effondre au bout d’un long suspense, mais pour repousser de plus belle. Et que dire du Welcome To Caveland de Philippe Quesne ? Son invitation à se laisser engloutir par une forme difforme et peu avenante ne se refuse pas. Petit monde qui prend corps en quelques secondes, la caverne convoque alors pêle-mêle Platon, les monstres sous le lit et la chaleur d’un cocon. Un moment aussi confortable qu’angoissant. Mais à la Sucrière, Mondes Flottants n’est pas un paradoxe près. Surtout quand un étage plus bas, des oiseaux de béton prennent leur envol en toute légèreté.
Mondes flottants 14e Biennale d'Art contemporain de Lyon Jusqu'au 7 janvier 2018 Ouvert du mardi au dimanche. En savoir plus