Laissez-moi vous conter une petite histoire, ce n’est pas forcément une très belle histoire mais c’est la mienne et ça me suffit. Il y a quelques mois, lors d’une balade photo, je suis tombé nez à nez avec le Jean Moulin, sur les Berges du Rhône. L’établissement affichait l’emblème des Toques Blanches Lyonnaises, et semblait donc d’un bon niveau. Bien décidé à le tester quel ne fut pas mon désarroi en apprenant que le restaurant… avait fermé. Voilà, comme je vous l’ai dit, ce n’était pas forcément une très belle histoire.
Je vous taquine. S’il a bien fermé, le Jean Moulin n’a fait que déménager pas bien loin de son emplacement initial. Et on a décidé d’y aller. Parce que le chef est passé chez Bocuse et Pic, et parce qu’on nous en a dit beaucoup de bien. Je vous passe toute la partie où l’on est arrivés beaucoup trop tôt et avons fait trois fois le tour du pâté de maison, c’est ridicule. Bref. Nous voilà installé et prêt à nous en mettre plein les papilles. Ca tombe bien, la carte fait légèrement rêver. Au programme, un oeuf fumé cuit basse température, crème de chou-fleur, croûton et magret fumé pour moi, crème de céleri servie froide, émietté de tourteau au kalamansi et mousse pomme wasabi pour elle.
Si les énoncés semblent danser devant nos yeux, le résultat se révèle totalement digne des paroles. Le chef, Grégoire Baratier, mêle à la perfection les associations de saveurs et de textures. Onctuosité, piquant, douceur, croquant, tout y passe en quelques secondes. On se regarde, sans un mot, les yeux qui brillent en disent bien assez. Les assiettes se vident, la salle se remplit, les verres de Viognier entonnent un bien agréable refrain.
Montée en puissance
Quant au filet d’omble chevalier, épeautre façon risotto, choux-fleur en copeaux, émulsion à la sauce & citronnelle que nous avons pris tous les deux, que dire ? Que l’expérience fut exceptionnelle ? Comme pour les entrées, la convocation de multiples saveurs et ressentis est tout simplement à tomber à la renverse. On lutte pour ne pas aller trop vite mais les assiettes se vident et le moment présent devient déjà un souvenir.
Reste le plus beau, la cerise sur le gâteau, celui que l’on attend toujours un peu fébrile. Et au Jean Moulin, le dessert est plutôt du genre à créer la surprise. Entre le parfait glacé au vin jaune, mousse légère aux cèpes et le crémeux potimarron, marrons glacés, sorbet aux agrumes, il y a de quoi se poser quelques questions. Et exiger des réponses.
La mousse de cèpes que l’on aborde avec prudence dans une composition sucrée ? Elle se fait presque pralinée. Le potimarron ? A se demander si les desserts traditionnels ont encore un sens. Non, vraiment, ces deux réalisations ne pouvaient que nous combler. Nous mettre dans cet état un peu second de satisfaction que l’on ne connaît que trop rarement.
Le Jean Moulin c’est avant tout de l’audace dans les idées. Des alliances, des saveurs, de l’improbable qui se transforme en évidence. C’est un restaurant d’exception proposant une gastronomie de qualité à des tarifs très accessibles. Le Jean Moulin c’est un restaurant qu’il faut connaître et faire connaître. Pour échanger, pour partager, se souvenir, puis décider d’y retourner.
Le Jean Moulin 45 Rue de Sèze 69006 Lyon Ouvert du mardi au samedi