Sur la piste des Sioux, nouvelle exposition majeure du Musée des Confluences, propose un incroyable voyage temporel à travers les stéréotypes sur celles et ceux que l’on appelle encore trop souvent les Indiens d’Amérique. Une exposition tout simplement essentielle. Pour ouvrir enfin les yeux.
Une image vaut-elle vraiment mieux que mille mots ? Avec son exposition phare « Sur la piste des Sioux », le Musée des Confluences a décidé de balayer d’un geste puissant la célèbre assertion. Taquins, les responsables du musée annoncent la couleur d’emblée : on ne va pas vraiment suivre les Sioux. Mais plutôt et sur un parcours de 400 ans, comprendre comment la figure du Sioux s’est imposée dans notre culture comme la seule et unique image de l’Amérindien.
Les Indiens dans la ville
Sans raconter toute l’histoire passionnante, on commence par les premières représentations picturales et autres sculptures. On part de l’image du bon sauvage en harmonie avec la nature. Des premiers dessins, des gravures, des peintures. Des pauvres gens colonisés invités à faire les guignols à la Cour des Rois de France pour régaler un public amateur de folklore absurde. L’image se construit dans les mentalités. Loin de la réalité de centaines de cultures différentes et d’Amérindiens parlant au total plus de mille dialectes.
Le temps passe. Les romans populaires évoquent aussi « l’Indien » et construisent le mythe du Far West. Il faut bien vendre. Alors l’autochtone sera différent. Plus violent. Armé de hache, tirant des flèches sur tout ce qui bouge. Scalpant ses ennemis dans des scènes effroyables destinées à choquer les familles. En réalité, la pratique sanglante n’existait pratiquement pas avant que les Occidentaux la construisent. Jusqu’à forcer des tribu réticentes à l’appliquer. L’Indien doit devenir violent, sauvage, impitoyable. On construit l’image effrayante pour justifier la lente élimination en cours de l’autre coté de l’Atlantique.
Pour encore mieux fixer l’image, quoi de mieux que les grands barnums de Buffalo Bill ou de ses imitateurs ? Qu’en dira la télévision ? Comment le cinéma va-t-il raconter l’Indien ? Point commun de toutes ces représentations : le singulier systématiquement appliqué car simple à comprendre pour tout le monde. Le public sait qu’il y a différentes tribus mais n’en retient qu’une chose : la violence extrême. Une sauvagerie associée au tomahawk, aux couteaux affûtés et à besoin viscéral de faire couler le sang quitte à découper l’adversaire encore vivant.
D’une idée à l’autre
L’exposition, à la scénographie impeccable, prend aux tripes et remue. On réalise que nos images absurdes, jusqu’à Bison Futé pour prédire les embouteillages, n’ont pas été construites que par les anglo-saxons. Loin de là. Quelques illustres, on pense à Chateaubriand, Baudelaire ou George Sand sont convoqués pour évoquer leur implication dans ces étonnantes constructions mentales. La bande dessinée, les Playmobils ou la publicité font également partie de la liste d’émargement. Sur une affiche un indien caricatural traverse les grandes plaines de l’Ouest à vélo. Sur une autre vantant d’indéchirables pneus Michelin on nous montre un Sioux aux yeux injectés de sang tentant d’en déchirer la chambre à air en la mordant. Tout est dit.
Avec Sur la Piste des Sioux, le Musée des Confluences renoue avec les expositions majeures qui ont fait sa réputation. Particulièrement bien construite, celle-ci parlera à tout le monde en expliquant très bien les réalités d’époque et sans jamais nier nos propres rôles dans l’imagerie d’un indien fictif ne correspondant à rien de réel. Jusqu’à se conclure par des questions très malignes sur les stéréotypes d’aujourd’hui. Belle manière de dire que bien que plus fidèle à la réalité, on passe toujours d’une image à l’autre. Pour aboutir sur une nouvelle représentation correspondant mieux à ce que l’on a envie d’imaginer.
Sur la piste des Sioux Musée des Confluences Jusqu'au 28 août 2022